Le samedi 13 octobre 2012, la commune de Mouhet inaugurait un square Mis et Thiennot, revêtant un caractère particulier étant donné qu’il s’agit d’un lieu fréquenté par des enfants.
Discours de Roger Jambut
Monsieur les députés,
Mesdames, messieurs les maires,
Mesdames, messieurs les élus,
Monsieur le président et les membres du comité de soutien « Mis et Thiennot »,
Chers amis,
C’est avec plaisir et fierté que nous vous accueillons aujourd’hui à Mouhet afin d’inaugurer ce square aménagé pour la jeunesse de notre commune.
Cet espace portera dorénavant le nom du « Square Mis et Thiennot ». Eux aussi étaient jeunes et insouciants en ce jour de décembre 1946, alors qu’ils partaient à la chasse. Comment auraient-ils pu savoir que ce 29 décembre le ciel allait leur « tomber sur la tête ? »
Victimes avec plusieurs de leurs amis, d’une des plus graves erreurs judiciaires du siècles derniers. Léandre Boizeau et nos amis du Comité de Soutien expliqueront mieux que moi les aléas de ce drame.
Depuis décembre 1946, date de cette tragédie, de nombreuses personnalités se sont investies dans cette évidence d’injustice afin de réhabiliter la mémoire de ces hommes innocents, d’autres s’y emploient encore aujourd’hui.
Mis et Thiennot nous ont quitté, l’un en 2003, l’autre en 2009 sans voir éclaté la vérité.
D’autres protagonistes les ont suivi. Malheureusement, le temps passe, trop vite, il nous faut fixer la mémoire, notamment celle de notre jeunesse, l’inauguration de cet espace y participe.
Notre espoir, que cette nomination sensibilise et motive nos enfants pour de futures luttes contre les injustices afin que de tels drames ne se reproduisent plus jamais.
Je vous remercie de votre attention
Roger Jambut, maire de Mouhet
Discours d’Helga Pottier
Monsieur le maire, nous sommes heureux de participer à l’inauguration du Square « Mis et Thiennot ».
Comme vous et votre Conseil Municipal, d’autres communes ont fait cette démarche : Le Poinçonnet en 2005, Thénioux (Cher) en 2006, Neuillay-les-Bois en 2010, Villedieu sur Indre et Saint-Gaultier en 2011 et cette année Thenay et Argenton sur Creuse.
Nous vivons chaque inauguration avec grande émotion et nous vous remercions vivement du soutien que vous apportez à la cause de Mis et Thiennot.
Mais comment se fait-il que des élus de communes du Berry aient la volonté d’honorer Mis et Thiennot, ces deux jeunes gens condamnés à trois reprises en Cours d’Assises pour meurtre ?
Parce que ces élus n’ont que faire de la (soit-disant) « vérité judiciaire ». Ce qui compte pour eux, c’est la vérité tout court : Raymond Mis, Gabriel Thiennot et leurs six compagnons d’infortunes sont innocents.
Ces élus savent que ce groupe de chasseurs était au mauvais endroit, au mauvais moment. Ils savent que la police d’après-guerre a vite fait de désigner un communiste et un fils d’immigrés polonais comme coupable principaux. Ils savent encore qu’aucune preuve matérielle n’a pu être retenue contre eux. Ils savent enfin que les policiers de Mezière-en-Brenne leur ont extorqués des aveux sous la torture, torture qui a duré huit jours et huit longues nuits de garde à vue. Cette torture qui a brisé leur jeunesse et dont ils ont, leur vie durant, gardé le souvenir et les stigmates d’une insoutenable souffrance, tant physique que morale.
C’est un acte courageux que celui de désavouer une décision de justice, décision par cinq fois réitérée. C’est un acte courageux que d’afficher clairement sa volonté de ne pas accepter une justice qui a du mal à admettre qu’elle s’est trompée, une justice qui ne veut pas reconnaître que des aveux obtenus sous la torture sont nuls et non avenus.
Le Square Mis et Thiennot, ici à Mouhet, revêt un caractère particulier car il s’agit d’un lieu qui sera fréquenté par des enfants. Il est important que les enfants de cette commune entendent les noms de ces hommes qui ont été victimes d’une erreur judiciaire indéniable. Il est important que les parents, par cet exemple, puissent leur expliquer qu’il faut se battre contre toute injustice. Continuer de se battre aujourd’hui pour la révision du procès Mis et Thiennot, c’est refuser l’injustice qui a brisé des destins et à marqué à vie des innocents. Ces innocents qui ont essayé jusqu’à leur dernier souffle de retrouver leur dignité d’hommes injustement condamnés, qui ont toujours clamé leur innocence.
Quel courage pour ces hommes, déchus de leurs droits citoyens, humiliés d’être toujours considérés comme coupable, de s’être battus toute leur vie, tête haute, pour que la vérité éclate !
C’est également pour cette raison que le Comité de Soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot continue sont combat.
Certaines gens nous disent : « mais à quoi ça sert, ils sont morts, abandonnez votre combat ! ». A ceux-là nous répondons : « D’abord Jean Blanchet et Bernard Chauvet sont bien vivants ensuite, il y a les familles des condamnés qui attendent une réhabilitation. Enfin, nous ne voulons pas perdre confiance en la justice de notre pays. Cette justice s’honorerait en reconnaissant son erreur ».
Après le décès de Jean-Paul Thibault, notre avocat bénévole qui s’est battu jusqu’à son dernier souffle pour la révision du procès, nous avons sollicité un avocat du barreau parisien. Avec lui, nous allons prochainement une sixième requête en révision. Nous allons de nouveau mettre les juges devant leurs responsabilités. Nous demandons justice pour Raymon Mis et Gabriel Thiennot mais aussi pour Émile Thibault, Gervais Thibault, Stanislas Mis, Bernard Chauvet, Jean Blanchet, André Chichéry. Nous n’abandonnons pas. Nous ne lâchons pas. Parce que nous avons tous besoin d’une justice capable de se remettre en cause. Et parce que nous sommes tous les enfants de Mis et Thiennot.
Helga Pottier, vice-présidente du comité de Soutien Mis et Thiennot.