À l’issue des trois procès en Cours d’Assises, à Châteauroux, Poitiers et Bordeaux, Raymond Mis et Gabriel Thiennot ont été condamnés à 15 ans de travaux forcés pour le meurtre d’un garde-chasse en décembre 1946 dans l’Indre.
Les deux hommes, depuis leur incarcération à la prison de Châteauroux, le 9 janvier 1947, n’ont jamais cessé de clamer leur innocence. Ils ont toujours affirmé avoir subi de graves sévices durant leur garde-à-vue qui a duré huit jours à la mairie et à la gendarmerie de Mézières-en-Brenne et avoir été obligés de signer des aveux sous les coups et la torture.
Comme eux, six de leurs compagnons, considérés comme complices, ont subi le même sort. Les coups ont été constatés par le médecin et les gardiens de la prison au moment de leur incarcération.
Autre fait troublant : la pression exercée sur les enquêteurs par Jean Lebaudy, riche sucrier et propriétaire du domaine où le garde-chasse Louis Boistard a été abattu. Lebaudy, rendant visite chaque jour aux enquêteurs pour les inciter à obtenir des résultats et versant un chèque de 100 000 francs de l’époque aux œuvres de la police et de la gendarmerie au quatrième jour de l’enquête pour les encourager à trouver un ou des coupables au plus vite.
Graciés à mi-peine, en 1954, par le Président Coty, Mis et Thiennot ont toujours réclamé la révision de leur procès.
Le combat pour la révision du procès
Depuis 1980, date de la parution de Ils sont innocents et la création par Léandre Boizeau, l’auteur de cet ouvrage, d’un comité de soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot, quatre requêtes en révision, déposées en 1980, 1988, 1993, 1996, ont été refusées. La dernière en date déposée le 9 juin 2005 a été refusée le 19 mars 2007.
À l’appui de cette requête en révision, parmi les éléments nouveaux produits, des témoignages désignaient le probable meurtrier du garde-chasse Boistard.
En plus de tous les faits nouveaux produits par M° Jean-Paul Thibault, l’avocat de Mis et Thiennot, l’instruction menée pour cette cinquième requête en révision a permis de mettre à jour des rapports de la Chancellerie de 1952-53, établis à l’occasion de la requête en grâce présidentielle qui a abouti à leur libération en juillet 1954.
Ces rapports tenaient déjà pour acquis que les chasseurs impliqués dans l’affaire avaient été frappés lors des interrogatoires et que les aveux n’étaient « absolument pas probants ». Par ailleurs ils remettaient sérieusement en cause le crédit du témoignage Niceron (seul vrai témoin à charge). Ce dernier qui les accuse puis les innocente et qui changera cinq fois de version subit une expertise psychiatrique en 1953. Il sera reconnu « oligophrène, débile mental profond, influençable… avec un âge mental d’un enfant de 7-8 ans ».
Ces rapports établis par la Chancellerie elle-même éclairaient d’un jour nouveau toute l’affaire.
Selon les conventions internationales qui lient la France (Convention Européenne des Droits de l’homme, Convention des Nations Unies contre la torture) de tels aveux n’ont aucune valeur juridique probante et ne peuvent pas être invoqués comme éléments de preuve dans une procédure (article 13 de la Convention des Nations Unies). Or l’accusation était quasi exclusivement fondée sur ces aveux obtenus dans le cadre d’une enquête insuffisante, déloyale, orientée et parfois odieuse.
Le Comité a donc décidé de se battre sur le plan législatif. En 2021, il contribue à modifier la loi de révision des procès portant sur les aveux obtenus sous la torture. 77 ans après les faits, après 43 ans de combats, le comité obtient enfin la révision du procès Mis et Thiennot le 5 octobre 2023, actant la caducité des aveux obtenus par la violence. Cela ouvre la voie à la tenue d’un nouveau procès en 2025, qui doit aboutir à la reconnaissance de l’innocence de Raymond Mis et Gabriel Thiennot.
Les familles et leurs soutiens sont désormais dans l’attente de cette ultime étape.
Tous les protagonistes ont désormais disparu. Mais en Berry, le souvenir de cette terrible affaire reste vif. En hommage aux deux hommes injustement condamnés, 29 communes possèdent désormais une rue, une place ou un espace Mis et Thiennot.
Le combat continue. Pour qu’enfin on rende justice à Raymond Mis, Gabriel Thiennot et leurs camarades.
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Raymond Mis est mort dans la nuit du 22 au 23 septembre 2009.
Gabriel Thiennot est mort le 2 juin 2003. Jeanine, sa veuve et ses trois enfants réclament toujours la révision de son procès.
Bibliographie :
Ils sont innocents (sixième réédition)
Résumé :
L’événement, c’est d’abord la réédition d’ « Ils sont INNOCENTS », l’enquête de Léandre Boizeau qui a relancé l’affaire Mis et Thiennot dans les années 80. L’auteur livre une démonstration implacable de l’innocence de Raymond Mis, Gabriel Thiennot et de leurs compagnons, accusés du meurtre d’un garde chasse dans la Brenne de l’après-guerre. Cette édition est enrichie d’un avant-propos et d’une annexe reprenant les principaux faits nouveaux présentés lors des différentes requêtes en révision du procès.
Parution le 9 octore.
Léandre Boizeau
La Bouinotte Editions
24 € (port compris)
Thiennot, l’homme qui hurlait d’innocence.
Léandre Boizeau
La Bouinotte Editions
24 € (port compris)