Ce samedi 4 mars 2017, même la pluie n’aura pas réussi à dissuader les quelque soixante-dix personnes venues à l’inauguration d’une Place Mis & Thiennot à Saint-Florent-sur-Cher.
Situé à même le parking de la gare, cet Espace représente le 22ème lieu public inauguré depuis celui du Poinçonnet (36330), en 2005 et le 3ème dans le département du Cher.
Encore une fois, beaucoup d’élus étaient présents afin de venir manifester leur détermination et leur volonté de soutenir le Comité de Soutien dans son combat. Monsieur Nicolas Sansu, Député-Maire de Vierzon, a laissé entendre, lors de son allocution, que sa ville ferait partie des toutes prochaines communes à accomplir un tel acte.
Beaucoup d’émotion se ressentait dans l’assistance à l’écoute des mots d’Helga Pottier, Présidente du Comité de Soutien.
Discours de M. Jacquet
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes tous ici réunis en ce jour, pour inaugurer l’ancienne Place de la
Gare qui portera désormais le nom de place« MIS et THIENNOT », à Saint
Florent sur Cher.
Pourquoi cette place ? Tout simplement, c’est un lieu très passager de notre
commune avec l’accès immédiat à la gare, aux écoles et au pôle enfance.
70 ans après le meurtre du garde-chasse d’un riche propriétaire de la Brenne
(Indre) deux hommes condamnés à 15 ans de travaux forcés en 1951 et
innocentés par plusieurs témoignages, restent considérés coupables par la
justice française. Pourtant, après huit jours d’interrogatoires musclés et de
tortures où ils craquent et finissent par signer des aveux, ils se rétractent en
l’absence de toute preuve et ne cesseront alors de crier à leur innocence. Ils
multiplieront les recours jusqu’à la fin de leur vie. Gabriel THIENNOT décèdera en 2003 et à son tour la voix de Raymond MIS s’éteindra en 2009.
Après trois procès d’assises successifs les deux hommes avaient fini par être
graciés en 1954 par le Président de la République René COTY et être libérés à
la moitié de leur peine. Mais ils n’ont jamais réussi à être réhabilités.
L’affaire Mis et Thiennot reste en France l’une des plus terribles erreurs
judiciaire du 2oème siècle.
En 1980 parait le livre « Ils sont innocents» de Léandre BOIZEAU et un
comité de soutien se constitue. Il déposera six requêtes en révision (1980,
1984, 1991, 1996, 2005, 2013). Toutes seront rejetées.
Un grand merci à Monsieur BOIZEAU qui par l’écriture de son livre à permis
de relancer cette affaire mais aussi bien sûr au Comité de soutien qui par ses
actions, entretien l’espoir et il est grand, pour qu’enfin cette erreur soit
reconnue et que Messieurs Mis et Thiennot soient réhabilités.
Aujourd’hui, 21 communes ont déjà donné le nom de Mis et Thiennot à un
espace public en souvenir de ces deux hommes et pour leur témoigner le respect qu’ils méritent.
Ce matin, je suis fier de mon Conseil Municipal qui par délibération en date du 27 octobre 2016 a décidé de dénommer cette place « Place Mis et Thiennot ».
Cette décision témoigne de la volonté de la Municipalité que cette terrible erreur judiciaire soit enfin réparée par une justice reconnaissant ainsi son erreur.
Par toutes les actions menées pour défendre ce dossier avec force et détermination restons confiants pour qu’une prochaine réhabilitation légitime de Mis et Thiennot aboutisse enfin, espoir nourrit par leurs familles éprouvées durant toutes ces années.
Merci de votre présence et de votre attention.
M. Jacquet, maire de Saint-Florent-sur-Cher
Discours de M. Nicolas Sansu
Monsieur le Maire,
Madame la Vice-Présidente du Conseil Régional,
Madame la Conseillère Départementale
Madame la Présidente du comité de soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec beaucoup d’émotion et de gravité que je viens ici, à votre initiative, pour l’inauguration de la Place Mis et Thiennot de Saint-Florent/Cher, une inauguration qui sonne comme un devoir de mémoire, un devoir de justice.
Un devoir de mémoire de l’honneur des mis en cause,Raymond Mis et Gabriel Thiennot, injustement accusés et condamnés à la suite de méthodes d’interrogatoire iniques, violentes, inhumaines.
Un devoir de mémoire car c’est bien d’une injustice de classe dont Mis et Thiennot ont pâti au sortir de la guerre, l’un d’être trop polonais, l’autre d’être trop résistant/communiste.
Un devoir de justice également car chacun sait qu’un innocent condamné, c’est la négation de nos valeurs Républicaines, des belles valeurs portées par les Lumières et les pères de la Révolution Française.
En tant que parlementaire, je déplore que la commission des lois n’ait pu proposer une solution législative qui, enfin, montrerait que les aveux, obtenus sous la torture, sont révoltants et entraînent l’annulation du jugement.
Aujourd’hui, plus que jamais, et alors que la justice fait la preuve, tous les jours, au grand dam de certains, de son indépendance et de son intégrité, il nous faut remettre ce combat, pour la réhabilitation de Mis et Thiennot et leurs six camarades, en lumière, parce que c’est un combat universel.
Et l’action que mène le comité de soutien par la révision du procès, l’action que mène l’avocat JP Mignard au nom de ce comité de soutien, l’action que relaie une commune comme Saint-Florent/Cher après Thénioux et Saint-Germain du Puy sont exemplaires.
Je souhaite pour finir vous assurer de mon soutien et plutôt que des paroles, je veux surtout m’engager devant vous, à ce que dans un prochain conseil municipal à Vierzon, sans doute en juin, nous puissions porter ce message du
rétablissement de l’honneur bafoué de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, et dans le même temps, si les électeurs le décident, je porterai à l’Assemblée Nationale, cette bataille pour l’honneur et la justice pour deux hommes, deux familles qui ont toujours eu la République et ses valeurs chevillées au corps. Et encore une fois, merci au comité de soutien et à ses bénévoles, merci à Monsieur le Maire et son conseil municipal de leur bel acte d’engagement.
Merci
M. Nicolas Sansu, Député-Maire de Vierzon
Discours d’Helga Pottier
Le 29 décembre 1946, voilà 70 ans, le garde-chasse Louis Boistard était assassiné non loin de Saint-Michel-en-Brenne. Le 1er janvier 1947, huit jeunes gens qui avaient chassé ce jour-là dans le secteur, étaient arrêtés et amenés à la mairie de Mézières-en-Brenne.
Commençait alors pour eux une descente en enfer : huit jours et surtout huit nuits d’interrogatoires laissèrent des traces constatées à leur arrivée à la prison de Châteauroux : hématomes, oreilles décollées, dents cassées, phalanges éclatées, côtes cassées, poumon perforé, testicule écrasé. Il s’agissait donc d’interrogatoires très spéciaux, communément appelés torture.
Pas étonnant qu’après un tel traitement, tous aient signé des aveux, préparés à l’avance par des enquêteurs particulièrement prévoyants. Le commissaire Daraud et son équipe pouvaient être fiers de leur prestation. Il faut dire que Jean Lebaudy, le propriétaire des terres, les avait bien encouragés. Un don conséquent aux oeuvres de la police, un chien de race, alcool et cigarettes en ces temps de disette amélioraient considérablement leur performance d’investigation. On frappe mieux quand on se sent soutenus de cette manière.
Car il y avait fort à faire, on était en face de gardés à vue récalcitrants. Mais à force d’insistance, on les avait eus. En somme, c’était une affaire rondement menée. Quelques années plus tard, le commissaire Daraud recevait la légion d’honneur pour ses services.
Les huit jeunes gens torturés, quant à eux, n’eurent pas les mêmes égards.
Après trois Cours d’Assises, Raymond Mis et Gabriel Thiennot, désignés assassins, étaient condamnés à 15 ans de travaux forcés.
Les 6 soi-disant « complices », eux, étaient jugés par le Tribunal d’Instance du Blanc : Émile Thibault, Stanislas Mis et Bernard Chauvet écopaient de deux ans de prison, Gervais Thibault, André Chichery et Jean Blanchet de dix-huit mois.
Mais comment la justice a-t-elle pu passer à côté du fait qu’il y ait eu torture ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de recherches supplémentaires alors que les accusés ont dès le début déclaré avoir été torturés ?
Pourquoi en 1954, alors que le rapport demandé par le Président Coty faisait état des interrogatoires violents, aucun magistrat a pris la peine de demander un nouveau procès ? Et pourquoi toutes nos requêtes en révision ont-elles été rejetées avec des arguments d’une mauvaise foi évidente ?
Comment – dans la réponse à notre cinquième requête – reconnaître qu’il y a eu torture et de conclure simplement que c’est regrettable mais de refuser une révision du procès ?
Comment – dans la réponse à notre sixième requête – refuser la révision au motif que la torture n’est pas un fait nouveau ?
Autant de questions auxquelles les juges n’ont pas répondu.
Nous sommes révoltés par tant de mépris devant une telle injustice. Nous ne l’acceptons pas. C’est pourquoi nous continuons le combat pour que justice soit enfin rendue à Raymond et Gabriel.
Nous ne sommes pas seuls. Les communes qui donnent le nom de Mis et Thiennot à un lieu public nous sont d’un grand soutien. La commune de Saint-Florent-sur-Cher est la vingt-deuxième à rendre ainsi hommage à Raymond et Gabriel, la troisième dans le département du Cher, après Thénioux et Saint-Germain-du-Puy. Monsieur le Maire, nous vous remercions vivement, vous et votre conseil municipal, pour cette démarche.
Elle est courageuse, car vous vous opposez à une décision de justice qui a été confirmée par deux nouveaux procès en 1948 et 1950 et par six refus de révision.
Pour cet hommage, vous avez choisi un excellent endroit. La place devant la gare est fréquentée par un grand nombre de personnes pour qui les noms de Mis et Thiennot sonneront comme le devoir de se révolter face à l’injustice.
Raymond et Gabriel et leurs camarades sont tous décédés, mais vous et nous continuons le combat pour la recherche de la vérité, combat commencé il y a 36 ans avec la parution du livre « Ils sont innocents » de Léandre Boizeau. Le rejet de nos six requêtes en révision ne nous a pas découragés.
Il faut changer la loi : Si les faits de torture sont avérés, une révision de procès devrait être accordée systématiquement.
Nous avons demandé à nos députés de proposer un changement de la loi qui régit les révisions de procès.
On parle souvent de la lenteur de la Justice. Nous, on peut aussi parler de la lenteur du pouvoir législatif. Depuis notre demande, il y a deux ans, ce changement n’a toujours pas été accepté. Pour les élus, l’affaire Mis et Thiennot n’a pas un caractère d’urgence absolue. Nous l’admettons volontiers. Il est néanmoins urgent de légiférer. Urgent car il faut se conformer à la Convention internationale contre la torture que la France a signée. Urgent aussi pour permettre à la Justice de se ressaisir. Nous sommes impatients, notre attente dure depuis si longtemps.
Malgré tous les désagréments, malgré toutes les difficultés, nous ne lâchons pas. Parce que nous avons tous besoin d’une justice capable de se remettre en cause. Et parce que nous sommes tous les enfants de Mis et Thiennot.
Helga Pottier, présidente du Comité de Soutien pour la Révision du Procès Mis et Thiennot
Photos réalisées par Christian Pineau, membre administrateur du Comité de Soutien